Tramway, trambus, et autobus sont dans un bateau... ...tramway et trambus tombent à l'eau: qui reste ?
François Bayrou poursuit donc son idée de "tramway sur pneu", rebatisé dernièrement "trambus", avec une ligne Gare SNCF-Zénith (la ligne Verdun-Hameau annoncée précédemment ne semble plus d’actualité ?). Cette annonce a déjà donné lieu à beaucoup de commentaires... Mais souvent assez contradictoires.
Tordons pour commencer le cou à l’appellation "tramway sur pneu" : par définition, un tramway est un "chemin de fer urbain". Un véhicule sur pneus, quel qu’il soit, ne peut donc être qualifié de tramway. Ni de "trambus", néologisme inconnu dans le monde des transports urbains.
En réalité, il s’agirait d’un autobus guidé circulant en site propre (voies réservées). Un autobus sophistiqué certes, mais pas autre chose qu’un autobus. François Bayrou a désigné précisément le type de matériel qu’il envisageait : il s’agit du
Phileas, fabriqué par la société néerlandaise APTS. Or ce "choix" appelle lui-même de nombreux commentaires :
Coût réel supérieur aux annonces ?Abordons tout de suite ce qui fait mal : il est aujourd’hui annoncé un coût de 15M€ (millions d’euros) pour 5/6km de ligne à réaliser, soit presque 3M€ par km, tout compris (soit déjà une augmentation sensible par rapport à la première annonce de 20M€ pour 10km de lignes). Or le constructeur lui-même annonce sur son site un coût prévisionnel de
4.3M€ au km rien que pour l’infrastruture (sans le matériel roulant).
Et Douai, qui est en train de réaliser une ligne Phileas, a budgété
125 M€ pour 12km de ligne, soit plus de 10M€ au km. 5 fois plus que ce qui est annoncé pour Pau ! Certes, ces coûts intègrent d’importants travaux dits de "requalification urbaine" tout le long de la ligne, mais qui peut penser qu’à Pau il n’y aurait pas "requalification urbaine" à prévoir ? Serions-nous plus doués qu’à Douai pour écraser les prix ?
Maturité insuffisante de la technologieA ce jour, une seule ville fait rouler des Phileas : Eindhoven aux Pays-Bas, depuis plusieurs années. Il s’agissait en réalité plus d’un test en grandeur réelle et d’une vitrine technologique. Pour la vitrine c’est un peu raté, car les rames étaient sans arrêt en panne, et ces derniers temps seules 3 rames sur 12 circulaient encore (voir ci-dessous).
Une seule autre ville est en train d’installer des lignes Phileas : Douai (les essais du matériel roulant sont en cours pour une ouverture prévue en août 2008).
Tout le reste, ce sont des annonces non concrétisées.
Le moins que l’on puisse dire, c’est donc qu’il y a un manque de recul évident sur la technologie employée. Etre à l’avant-garde, on a déjà donné avec la médiathèque Zaha Hadid...
Fiabilité en questionLes premiers Phileas qui circulaient à Eindhoven étaient doté d’une propulsion hybride GPL+électrique. Le moteur GPL n’entrainait pas directement les roues, mais servait seulement à faire tourner un alternateur qui alimentait à son tour les moteurs électriques via des batteries.
La fiabilité de ce système s’est révélée catastrophique, au point que les Phileas d’Eindhoven sont en train d’être convertis à une motorisation toujours hybride, mais plus "classique" diesel+électrique. Cette fois-ci le moteur diesel entraine directement les roues, en parallèle des moteurs électriques. Ce nouveau système est semblable à ce que l’on trouve sur les voitures hybrides (type Toyota Prius), et c’est celui qui équipe les Phileas de Douai. Mais quid de sa fiabilité ? Peu de recul à nouveau...
Enfin, la structure moderne et ultralégère de la coque des Phileas a sans doute de nombreux avantages (moindre consommation...), mais elle n’est pas un gage de longévité : la durée de vie d’une rame est donnée pour 20 ans, ce qui est relativement peu dans ce domaine (c’est la durée de vie d’un bus, là où un tramway classique atteint 40 ans).
Mode guidé virtuelLes Phileas sont guidés par un système magnétique, grâce à des aimants enterrés dans la chaussée et des capteurs sur le bus : en mode guidé le chauffeur n’a pas besoin de toucher au volant, comme si il pilotait un tramway. Par ailleurs toutes les roues de la rame sont directrices : avec le guidage automatique, cela donne théoriquement une grande manoeuvrabilité, permettant donc circuler dans des couloirs relativement étroits (là encore comme un tramway).
Sauf qu’en pratique, ce guidage n’est pas réllement utilisé : à Eindhoven, les Phileas sont pilotés la plupart du temps en mode manuel. Et même si Douai a prévu de les exploiter en mode guidé, il semble que la largeur des couloirs de circulation ait quand même été prévue pour permettre le pilotage manuel, perdant ainsi tout l’intérêt du guidage. Là encore, manque de recul sur le système...
A noter que le guidage des bus n’est pas nouveau : il existait déjà des bus à guidage mécanique (nécessitant une infrastructure un peu particulière) et des bus à guidage optique (qui suivent une ligne peinte au sol). Pour ces derniers, le guidage est surtout utilisé pour l’accostage précis en station. Les "tramways sur pneus" de Nancy et de Clermont Ferrand sont quant à eux des bus à guidage mécanique par un rail central (débrayable dans le cas de Nancy).
Des bus propres... vraiment ?On nous promet dans ce projet des bus propres, mais qu’ont-ils réellement de propre ? Il s’agit d’une propulsion hybride diesel+électrique, qui effectivement consomme et rejette moins de polluants qu’un simple diesel classique, mais de là à les qualifier de propres il y a un pas franchi un peu trop facilement.
Qu’en retenir de positif quand même ?Tout est-il pour autant à rejeter dans ce projet ? Pas tout à fait. La circulation des bus en site propre est une nécessité (reconnue d’ailleurs par tout le monde) pour améliorer les performances du réseau. Par ailleurs, le concept d’une ou plusieurs lignes "structurantes" dans l’agglomération, "cadencées" (fréquences élevées), dont les parcours sont les plus directs possibles et faciles à identifier, est à retenir (personnellement je trouve les parcours des lignes de la STAP particulièrement "illisibles", ce qui ne favorise pas l’"appropriation" du réseau par les palois).
Par contre le choix du matériel, avec le Phileas, est de loin la partie la plus contestable du projet. C’est pourtant celle qui est mise en avant, et difficile d’y voir autre chose qu’un effet d’annonce (qui d’ailleurs fonctionne puisqu’on en parle !).
Car c’est oublier qu’il existe depuis longtemps des types de bus à la fois d’une technologie éprouvée, extrêmement fiables, 100% propres (zéro rejet dans la ville), confortables, et moins chers que les Phileas : ce sont les...
trolleybus! Peu répandus en France (on en trouve dans quelques villes, comme Limoges), il sont néanmoins très présents dans d’autres pays (comme la Suisse). A ma connaissance on n’a pas encore fait mieux, et ce ne sont pas les usines à gaz hybrides et les commerciaux qui les vendent qui vont me faire changer d’avis !