AFP. Faible capacité de jugement, mauvaise compréhension du monde économique, attitude réactionnaire et absence totale d'envergure: la classe dirigeante européenne ne trouve pas grâce aux yeux de l'ancien chancelier allemand Helmut Schmidt.
"L'Europe manque de dirigeants", lâche-t-il dans un entretien publié mardi par le quotidien français Le Monde.
"Il lui manque des personnalités à la tête des Etats nationaux ou dans les institutions européennes qui aient une maîtrise suffisante des questions nationales et internationales et qui fassent preuve d'une capacité de jugement adéquate", ajoute l'ancien chef de gouvernement social-démocrate (1974-1982) aujourd'hui âgé de 91 ans.
"Nous avons besoin d'avoir aux postes de responsabilités des gens qui comprennent le monde économique d'aujourd'hui", poursuit-il, mais "les personnalités capables de jouer un rôle dirigeant se sont faites de plus en plus rares".
Selon Helmut Schmidt, Jacques Delors, "quelqu'un de très important", a été remplacé à la tête de la Commission européenne "par des gens dont personne ne connaît vraiment le nom". Jacques Santer, Romano Prodi et José Manuel Barroso apprécieront.
Même jugement pour l'actuel président du Conseil européen, le Belge Herman Van Rompuy: "Il s'est passé la même chose au niveau des secrétaires permanents, des commissaires, des Premiers ministres et de... comment s'appelle-t-il déjà... Van Rompuy? Lequel a paraît-il une secrétaire aux Affaires étrangères - une Anglaise dont on peut aisément se passer de connaître le nom", ironise-t-il au sujet de Catherine Ashton.
Les dirigeants de la Bundesbank en prennent aussi pour leur grade. "Au fond d'eux-mêmes, ces gens sont des réactionnaires. Ils sont hostiles à l'intégration européenne", tranche l'ex-chancelier. "Ils ont une tendance excessive à agir et réagir en fonction des seuls intérêts nationaux et n'ont pas compris la nécessité stratégique de l'intégration européenne."
Helmut Schmidt dispense certes quelques compliments, mais les agrémente aussitôt d'un petit bémol. Ainsi, l'actuelle chancelière allemande Angela Merkel "voudrait corriger" les erreurs liées au non respect du pacte de stabilité... "mais ses chances d'y parvenir sont faibles, notamment parce qu'elle manque de sens diplomatique".
Quant au Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, il fait figure d'"exception" dans cette classe dirigeante "mais le Luxembourg pèse d'un poids trop faible pour jouer un rôle substantiel".
Finalement, le président de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet est, à ses yeux, "la seule personnalité qui émerge dans les institutions européennes".